Les yeux fermés, je me laissais emporter par le reflux de l'eau berçant doucement mon corps. Le chant des oiseaux et le soleil tapant sur mon visage me firent soupirer de plaisir. En cadence, mes mains s'agitaient légèrement dans l'eau, suivi de ma queue de poisson qui suivait le mouvement en douceur. J'adorais ses moments de solitude, où rien n'était plus important que les embruns de la mer, que son appel irrésistible à plonger dans ses eaux que je connaissais par coeur pour y être né, il y a de cela des années. Un sourire s'arqua sur mon visage avant que je ne rouvre les yeux, plongeant dans l'eau glacée avec une aisance déconcertante. J'admirais les tréfonds marins, me glissant à la rencontre des animaux savamment cachés entre les pierres. Je déplorais le nombre de déchets que j'y trouvais, me promettant une fois de plus de revenir avec un sac pour nettoyer tout cela tout en attrapant quelques uns au passage avant de remonter à la surface, prêt de la plage. Sortant la tête de l'eau, je glissais ma main dans mes cheveux pour les ramener en arrière tout en marchant sur le sable, troquant mes écailles contre mes jambes humaines. Je récupérais le boxer que j'avais laissé non loin de là, l'enfilant tout en me débarrassant de l'excédent d'eau encore sur mon épiderme. Un instant, je me laissais aller à admirer l'horizon et son soleil, à apprécier ce paysage dont j'avais l'impression de ne jamais m'en lasser. Je fermais les yeux à nouveau, prenant une grande inspiration. Il était temps de rentrer, pour mieux revenir demain.

« Maintenant ! »

Je n'eu pas le temps de réagir. En une fraction de seconde, je me retrouvais prisonnier d'un filet, essayant de me débattre pour m'en débarrasser le plus vite possible en relâchant ma prise. Des coups s'abattaient dans mon dos, me faisant m'écraser au sol sous le choc, me protégeant de mes mains comme je le pouvais.

« On l'a eu ! »
« Belle prise les gars ! Bien joué ! »

Je relevais les yeux vers les hommes qui m'encerclait en un instant. Oh non. Pas ça. Je reconnus de suite leur tenues blanches, où leurs insignes, reconnaissable entre mille, était accroché sur leur épaule. Leur visage était caché sous un masque, les rendant impossible à reconnaitre et pourtant, je savais qui ils étaient. Les Gardiens. Les Sauveurs. Leur ricanements se répondaient avec entrain, glaçant un peu plus mon sang dans mes veines à chaque seconde. J'étais foutu.

« Alors petite sirène, tu ne te débats même pas ? Quelle déception ! »

Un coup violent à la tête me fit voir des étoiles, crachant mon sang sur le sable tandis que je tremblais de peur. J'étais incapable de me débattre, incapable de réagir, de même essayer de me défendre, tétaniser par ce qui se produisait. Je n'entendais que leur rires, je ne voyais que le sable devenu rouge sous mes doigts, serrant les dents pour retenir ma peur, le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine.

« Laissez-moi, je vous en prie...»

Les rires retentirent à nouveau. Deux fois plus fort, deux fois plus cruels. Je serrais les dents, portant mon regard sur l'horizon avec l'intuition que ce serait la dernière fois que je pourrais le faire. Que quelqu'un m'aide, je vous en prie.

L’air frais du ciel glisse comme une caresse sur la soie de mes plumes. Yeux clos, je savoure cette sensation de liberté incomparable, alors que mes ailes ajustent instinctivement leurs positions selon les caprices du vent. Le soleil se réverbère furtivement sur l’ébène de mes deux précieuses alliées. Je me délecte de cette étreinte chaude tranchant subtilement avec l’atmosphère froide de l’éther. J’ignore combien de temps cette excursion va bien pouvoir durer. Mes fonctions auront tôt fait de me ramener au sein de la cité où je suis né. L’un des rapaces de la reine n’est toujours pas revenu. Voilà ce qui guide mon voyage aujourd’hui ; l’inquiétude que suscite la disparition de l’un des précieux oiseaux de Sylara. Bien sûr, la souveraine n’a pas été informée de ce désagrément. Pourquoi ajouter cette question aux nombreux problèmes que sa mission l’oblige à gérer jour après jour ? Ce n’est pas la première fois que l’oiseau disparaît. Ce n’est pas non plus la première fois que je pars à sa recherche. Peut-être s’est-il égaré. Peut-être s’est-il enfuit. Lui seul le sait. Un soupir me fait rouvrir les yeux sur le paysage qui défile à toute allure en dessous de moi. Mon ombre ailée se dessine sur le feuillage massif des arbres, quelques mètres plus bas. Je m’applique à planer à basse altitude, pour demeurer aussi invisible que possible. Il est rare que les gens de mon peuple s’aventurent en dehors de leurs frontières. Je souhaite demeurer le plus discret possible.

Une brise chargée d’iode m’englobe brusquement. La mer est proche. Je reconnais l’endroit et sens inconsciemment l’ombre d’un sourire effleurer brièvement mes lèvres. Derrière la forêt, je sais que se dissimulent plusieurs petites criques aux auras enchanteresses. Je sais aussi qu’elles sont prisées par les sirènes. Ou du moins, l’une d’elles en particulier. Je l’ai découvert pour l’avoir surpris à plusieurs reprises sans qu’elle ne le sache. Aussi étrange que cela puisse paraître, et aussi repoussant pourrait être une étendue d’eau pour un être céleste de mon espèce, la vision d’une sirène nageant à travers les vagues a quelque chose d’aussi captivant qu’apaisant.

Ma silhouette se dégage soudainement de la verdure pour apparaître à découvert et jaillir aux abords de l’océan. L’air marin m’enveloppe avec délice. Le bleu de l’eau apparaît, s’alliant parfaitement aux couleurs d’or du soleil. Le sable défile rapidement sous mes yeux. Mon attention glisse rapidement sur la crique, alors que je m’attends à apercevoir la sirène profiter de son élément naturel. L’image que ma vue perçoit entre alors en collision brutale avec ce à quoi je m’étais préparé. Un réflexe involontaire me fait battre des ailes pour m’écarter de ma route. Le geste est si abrupt que je perds l’équilibre et manque de chuter. La sirène est là. Debout face à l’océan. Sans s’être encore aperçu des silhouettes menaçantes qui se faufilent dans son dos. Je me rattrape de peu aux arbres qui se dressent face à ma dégringolade. Le sang s’agite dans mes veines alors qu’un sombre pressentiment vibre dans mon être. Ces hommes ... Ce sont des Sauveurs. Le fléau des êtres surnaturels. L’ennemi de mon peuple, au même titre que celui de la sirène piégée dans sa crique. Des éclats de voix retentissent contre les parois de la falaise. La hargne qui s’en dégage confirme ce que je soupçonnais, avant même que mon regard ne retombe sur eux. Quelque chose se glace en mon profond intérieur. Là n’est pas ta mission. Ce combat n’est pas le tien. Mérite-t-il seulement que tu prennes le risque de te confronter à ces adversaires dont tu ne connais rien ? Une détermination sourde et obscure s’insinue en moi, en parallèle exacte avec les remontrances lointaines de ma conscience. La sirène mérite-t-elle ce sort aussi macabre qu’ils lui réservent ? N’y a-t-il donc pas de créature plus néfaste que celle-ci à attaquer ? Je ne me laisse pas réellement le temps de réfléchir. Mes ailes fouettent l’espace à peine ai-je retrouvé un semblant d’équilibre en me raccrochant aux branches. Mon ombre fuse dans les airs. J’ai déjà repéré leur nombre et décidé de la meilleure réplique à adopter avant même d’avoir atteint la plage. Ma silhouette s’abat brutalement sur le sable. Dos à la mer. Face à l’ennemi. Une colère froide gronde sous ma peau. La sirène est là. A mes pieds, prise dans ses filets. Mais mon attention se rive sur les Sauveurs alors que mon poing déjà armé pointe l’extrémité de ma lame de combat vers le sol. Menace latente. Ultime avertissement.

- Tu veux te battre, Gardien ? susurre ma voix empreinte d’une douceur glacée à l’attention de celui qui reprochait à sa proie son manque de réactivité.

Un vent de surprise souffle parmi la poignée de Sauveurs. Ils ne s’attendaient visiblement pas à être interrompu dans leurs affaires. Encore moins par une harpie. Rapidement les trois bougres se reprennent et s’ébrouent de mécontentement. Aucun pourtant n’ose rompre la distance que ma subite apparition a instauré entre eux et la sirène prisonnière devant moi.

- Retourne d’où tu viens, démon ! Ton tour viendra, et avec lui celui de ton peuple maudit ! On vous brûlera tous, à commencer par les deux putains qui vous servent de reines !

Un ricanement s’ensuit. Mes ailes se hérissent dans mon dos, avant que je ne fasse en sorte de les replier hors de portée.

- Profane encore une fois le nom de mes souveraines, je réponds froidement en dardant mon regard franc sur l’imbécile qui a parlé, et je commencerai par arracher cette langue du reste de ton être.

La sommation résonne en un dangereux écho dans les pupilles de mes interlocuteurs. Mes reflexes s’éveillent et s’enclenchent à l’instant où le premier d’entre eux esquisse une attaque. D’un geste j’enjambe l’homme à terre et fonds sur mon adversaire. Le revers de ma lame lui tranche la gorge avant qu’il n’ait achevé son assaut. Son corps s’abat vers le sol. Je suis déjà sur le deuxième homme. Mon arme pare le tranchant brillant de son épée. Trop lent. J’anticipe son prochain mouvement et fracasse furtivement mes phalanges contre son arrête nasal. Un craquement sinistre retentit, aussitôt suivi par le gargouillis immonde de l’acier de ma lame pourfendant son abdomen. L’ultime Sauveur me tombe dessus. Je perds mon arme dans la mêlée. L’éclat vif d’un coutelas fuse devant mes yeux. Je le repousse rapidement. Mes ailes jaillissent dans mon dos. Je gronde de rage sous l’affront. L’instant d’après, je bondis sur lui. Mes plumes narguent la gravité alors que ma poigne se referme autour de sa gorge et que je m’envole en ligne droite jusqu’au tronc d’arbre le plus proche. Le dos de l’homme s’écrase contre l’écorce avec violence. Mes yeux croisent brièvement les siens. C’est ce chien a la langue bien pendue. La danse impitoyable de mes bras lui rompt la nuque avant même qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit. La plainte de ses os pétille à mes oreilles. Son cadavre s’effondre contre le sable dans un bruit assourdi.

Minable. C’en est presque décevant.

Je recule d’un pas, jaugeant avec désintérêt le corps sans vie à mes pieds. Une ordure de moins. Je me redresse, et me tourne vers le rivage. Ses deux copains sont tout aussi morts que lui. Navrant. Quand les humains vont-ils donc apprendre ?

J'ai fini par fermer les yeux, me rendant à l'évidence du sort qui m'attendait. Je dis adieu à ma liberté, adieu à ma vie et à ma famille, à mes parents et à mon peuple. Il était inutile de lutter. Tout le monde savait ce qu'il advenait de ceux capturés par les Sauveurs. On ne les revoyait jamais. Ils disparaissaient de la surface de notre monde, comme s'ils n'avaient jamais existé. Combien de fois était-ce arrivé ? Combien de mes amis avaient soudainement disparu du jour au lendemain ? Je n'avais jamais vraiment réalisé le danger qui planait telle une ombre sur moi. Jamais jusqu'à présent. J'avais vécu ma vie comme si de rien était, comme si la Guerre n'avait jamais eu lieu. Comme si ses hommes de foi n'avaient jamais représenté un réel danger. Jamais je ne m'étais méfié. Et à présent, je payais bien cher mon inconscience. Je n'essayai même plus de bouger, de me défaire de se filet dans lequel ils m'avaient capturé. J'acceptais la sentence, priant pour que mon sort soit assez favorable pour m'accorder une mort rapide.

Il y eu une bourrasque de vent, me faisant rouvrir les yeux en un coup. Mon regard échoua sur des bottes à côté de ma tête. Elles étaient noires. Je fronçais les sourcils, remontant le long des longues jambes enfermées dans un pantalon large teinté de bleu foncé, puis sur son buste recouvert d'un tissu moulant parfaitement ses formes. Enfin, je rencontrai son visage à découvert. Sa peau mate et ses cheveux noirs contrastaient drastiquement avec la teinte de ses yeux. Ils étaient d'un bleu si clair que j'en oubliais de respirer. Mon coeur loupa un douloureux battement avant que je ne remarque enfin ses deux magnifiques ailes noires déployées dans son dos. Etais-je mort ? C'était la première pensée cohérente qui me traversa l'esprit à cet instant. C'était un ange. Un ange aux ailes noires. Je ne pouvais qu'être mort. Ses lèvres prononçaient des mots que je n'arrivais même pas à comprendre. Mais il leur parlait, à mes bourreaux. Tout ce passa trop vite. Mon ange m'enjamba pour se ruer sur mes assaillants sans que je n'ai bougé d'un pouce, totalement envouté par ce que j'avais sous les yeux. Et puis, brusquement, un frisson le long de mon dos me fit reprendre pieds avec la réalité. Le sang m'éclata au visage, envahissant ma vue. Mes yeux suivaient ses mouvements sans que mon cerveau ne capte réellement ce qu'il était en train de faire. La vue du sang, le corps des hommes à terre, le regard vide qu'ils m'adressaient. Mon coeur reprit ses battements effrénés en un coup. La panique gagna mes membres alors que de douloureux souvenirs jaillir dans ma mémoire. Il les avait tués, exterminés comme si ils ne représentaient rien. Je tremblais de peur, gagné par la panique. Cet homme... Cet ange, ce démon allait me tuer si je ne fuyais pas.

Reprenant l'usage de mon corps par miracle, je m'arrachais des griffes du filet enrobant mon corps le plus vite possible, guidé par la panique et l'adrénaline pulsant avec force dans mes veines. Libéré, mon regard se porta à nouveau sur lui, qui avait fini son oeuvre et regardait à présent le corps sans vie de sa victime à ses pieds. Je reculais, de plus en plus, rejoignant la mer, l'eau dans mon dos. Puis, en un instant, je plongeais dedans, espérant, priant pour que cet homme ne puisse pas m'y rejoindre. Je battais de ma nageoire le plus vite possible, m'éloignant du bord en sentant mon palpitant résonner avec force dans mes tempes. Ce n'est qu'une fois dans les profondeurs, caché derrière un rocher que je m'arrêtais, tentant de reprendre ma respiration. M'appuyant contre la roche, je tentais de me remettre les idées en place. Etait-ce réel ? Ses ailes, ce sang, tant de sang. Ce... Cette chose m'avait sauvée ? Non. Oui. Je ne savais plus. Il fallait que j'en ai le coeur net.

En quelques coups de nageoire, je regagnais la surface, armé de quelques coquillages, juste au cas où. Avec précaution, je me laissais émerger à l'air libre, ne laissant que mon regard se fondre au dessus des flots. Il était encore là, droit comme la justice, faisant face à la mer comme si il attendait quelque chose, ses deux ailes encore déployées dans son dos, son arme marquée par le sang de ses victimes. Déglutissant difficilement, je serrais les dents, peu sûr de moi. Etait-il même réel ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Avec force, j'envoyais un coquillage en sa direction, me cachant dans le bleu des vagues l'instant suivant, espérant le toucher tout en craignant de le faire. Et si il répliquait? Et si il me tuait à mon tour ? Tu hallucines mon vieux. T'es devenu totalement taré.

Un bruissement d’eau dévie mon attention des corps sans vie. Mes muscles frémissent, en anticipation d’un prochain assaut que je n’aurais pas senti venir. Mais il n’en est rien. J’ai seulement le temps d’apercevoir le reflet argenté d’une grande queue de poisson disparaître dans les flots, avant qu’un calme on ne peut plus plat ne se réinstaure au sein de la crique. Mes yeux planent un bref instant sur ce qui m’entoure, mais les fourrés demeurent vides de tout danger. Mes jambes s’animent alors silencieusement sur le sable. Je rejoins les rivages d’un pas vif et alerte. Mon attention s’attarde à peine sur les cadavres qui gisent dans leur sang. Je récupère simplement ma lame abandonnée là. Je prends alors le temps d’essuyer l’acier souillé de rouge contre les vêtements de l’un des Sauveurs. Satisfait, je me redresse et laisse enfin mon regard se poser sur les filets vides à deux pas de là. La sirène a bel et bien disparu. Je tourne la tête vers l’océan, cherchant vainement à apercevoir son envoûtante silhouette à travers le tumulte des vagues. Mais elle doit déjà être loin. Seul une brise chargée de sel et d’humidité me répond, s’écrasant contre mon corps comme contre le flanc inébranlable d’une falaise. Je fais distraitement tournoyer l’épée courte dans ma main, avant de la ranger à sa place, contre ma hanche. Une pointe de déception me presse le torse. A-t-il eu peur ? Dommage. Je suppose qu’après ça il ne reviendra plus nager par ici. L’idée m’attriste quelque peu. Mais quelle importance ? La sirène est en vie. Et je suis certain que ces hommes n’ont pas eu le temps de réellement lui porter préjudice. Je me détourne du spectacle de la mer, m’apprêtant d’ores et déjà à reprendre mon envol et poursuivre ma mission. Mais c’était sans compter le petit objet dur et creux qui vient s’échouer contre ma botte. Je me fige, étonné. J’avise alors un coquillage rouler paresseusement dans le sable à mes pieds. Mes sourcils se haussent. Je ne rêve pas, ce projectile est sorti de nulle part. Le doute s’immisce en moi alors que je relève des yeux confus vers le large. Trop tard. Je discerne le second coquillage volant une fraction de seconde avant qu’il ne s’écrase contre mon crâne.

- Ah ... !

La douleur est plus surprenante que vive. Mes doigts s’insinuent dans mes cheveux, là où le crustacé a frappé, alors que mon regard de plus en plus ahuri s’étend entre les flots de l’océan. Ça vient de la mer. J’en suis certain.

- Mais que ...

Mes yeux se plissent alors que je crois intercepter un mouvement parmi les vagues. Je nage dans une bulle d’incompréhension. Mais enfin à quoi joue cette créature ?

Si j'ai l'impression de rater ma cible la première fois, ce n'est pas le cas pour la seconde. L'ange noir réagit, je l'entends d'ici. Il est donc bien réel. Je ne suis pas victime d'une hallucination quelconque. Il est là, sur cette plage, à une dizaine de mètres à peine. Et il ne m'a pas vu. Je le vois scruter l'eau à ma recherche tandis que je reste aussi discret que possible, n'osant pas me rapprocher un peu plus. On ne sait jamais ce que cet être serait capable de faire. Je suis certain qu'avec de l'élan, il n'aurait aucun mal à me transpercer de sa lame de là où il se trouve, tout comme il a envoyer un des hommes qui m'a attaqué droit dans un arbre. Que faire ? Je ne sais pas. Je n'arrive plus à réfléchir correctement. Peut-être devrais-je simplement retourner chez moi ? Ou dans la cité ? Et oublier définitivement cette histoire ? Oui, c'est sans doute ce qui serait le mieux. Le plus logique, le plus raisonnable. Mais je n'y arrive pas. Ma curiosité maladive m'en empêche. Sans parler du fait que je ne l'ai pas remercié. Cet homme ailé m'a sauvé la vie, aussi simple que ça. Il aurait pu continuer sa route sans intervenir. C'est sans doute ce que j'aurais fait, mais non. Il m'avait défendu contre ses êtres maléfiques. Rien que pour ça, je n'avais pas le droit de m'enfuir comme un voleur.

Hésitant un instant, j'avisais les quelques coquillages que j'avais encore en main. Et si... Et si je m'en servais pour tenter d'entrer en communication avec lui ? Oui, c'était une solution. Sans risque. Je ne risquais rien à essayer. Prenant mon courage à deux mains, je glissais le coquillage jusqu'à mes lèvres, m'éclaircissant la gorge pour ne pas que ma voix ne flanche avant de prononcer mes mots.

« Euh... Salut ? »

Magnifique répartie Adel, vraiment. T'es capable de te produire sur scène mais pas de parler à un mec à travers un coquillage. Non vraiment tu te surpasses.

« Hum.... Je... Merci pour... Merci de m'avoir sauvé. Je... Tu... T'as pas envie de me tuer, n'est-ce pas ? »

J'avais quitté la protection des eaux, qui m'arrivaient à présent au bassin, pour qu'il puisse me voir de loin, mordillant ma lèvre pour cacher ma gène, camouflant mon rire nerveux comme je le pouvais. Réponds.... S'il te plait ?

La situation devient de plus en plus rocambolesque à mesure que le temps s’écoule. Mes yeux médusés s’attardent un instant sur le second coquillage qui roule sur le sol. La légère douleur de ma tête s’en est déjà allée. Les interrogations, elles, à l’inverse, se cumulent par paquet sous mon crâne. Suis-je passé à côté de quelque chose ? Est-ce que ce manège a vraisemblablement une signification ? J’ignore beaucoup des autres espèces vivants dans les environs. Tout ce qui n’est pas directement proche du clan harpie n’éveille que rarement l’intérêt de mon peuple. Soudain, un bruissement inattendu s’élève à proximité. J’ai un mouvement de recul alors que mes doigts s’attardent du côté de mon arme. Mon attention vire sur les environs toujours aussi calmes. Mais le bruit semble bien trop proche pour venir de la forêt. Mes sourcils se froncent d’incertitude. J’aurais peut-être dû partir tout à l’heure. Ça m’aurait évité tous ces phénomènes étranges. Mon attention se focalise finalement sur l’un des coquillages échoués sur la plage. Je me tends, autant dérangé à l’idée de me croire assez fou pour entendre des voix s’échapper d’un crustacé, que perdu quant à la réaction à adopter. Mais finalement la curiosité l’emporte. Je me penche pour attraper l’objet, et lorsque je me redresse, la silhouette de la sirène s’est dévoilée non loin du rivage. Je reste un peu idiot, avec la cyprée dans la main, figé au milieu du sable sans comprendre exactement ce que je suis censé faire. Pourquoi est-il revenu ? Et pourquoi tient-il aussi un coquillage dans la main ? Je cligne des yeux, dubitatif, alors que les rouages de mon esprit font le lien entre les projectiles, l’étrange discours qui semble s’élever de l’objet entre mes doigts, et la réapparition de la sirène. C’est ... une coutume pour le moins surprenante. Je baisse la tête vers le coquillage, avant de regarder à nouveau l’homme qui flotte parmi les flots.

- C’est hors de question que je parle là-dedans, je lâche, comme s’il était suffisamment proche pour m’entendre.

Il répond. Sa voix sort du coquillage que j'ai en main, invitant un léger sourire sur mon visage. D'un coup, il ne m'a plus l'air si méchant que cela, surtout après avoir rangé son arme dans son fourreau. Je relâche alors le mollusque, après une dernière hésitation, plongeant à nouveaux dans les vagues pour rejoindre la plage, ne m'arrêtant cette fois qu'à un bon mètre de lui. Je reste méfiant, je ne peux pas m'en empêcher. De là où je suis, lui faisant face, j'ai tout le loisir d'à nouveau me perdre dans ses yeux glacé. Jamais un regard n'avait été si percutant auparavant. J'étais tout bonnement incapable de m'en défaire, il m'attirait autant qu'il me déstabilisait.

« Désolé.... Tu m'as foutu la trouille avec... Enfin... »

Je me gratta un instant la nuque dans un réflexe stressé, quittant ses iris pour poser mes yeux sur les cadavres encore chaud étalés derrière lui. A nouveau, je me sentais mal à l'aise, déglutissant difficilement.

« Merci encore. Sans toi, je serais sans doute mort à l'heure actuelle. Ou pire. Qui sait ce qu'ils font vraiment de nous hum ? »

Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres. Pendant un instant, j'avais vraiment cru y passer, devoir dire adieu à ma vie et ne plus revoir la lumière du jour, ne plus avoir le plaisir de nager entre les récifs et sentir le soleil contre mon corps. Sans parler de la musique, de ma famille. Tout. Je devais tout à cet homme.

« Tu.. Tu fais partie des harpies ? C'est ça ? Je n'avais jamais vu de harpie homme avant... J'ai toujours cru que les harpies étaient toutes des femmes. »

Mes yeux contemplèrent à nouveau ses deux magnifiques ailes noires dans son dos. C'était incroyable. Jamais je n'en avais vu de si près auparavant. Fasciné, je me rapprochais de lui sans même m'en rendre compte, amenant ma main si proche de lui que je pouvais presque les effleurer du doigt.

« Tu es magnifique... »

Ses plumes reflétaient à merveille les rayons du soleil dans mon dos, me rappelant les reflets des écailles composant ma queue de poisson. Elles me paraissaient encore plus énorme à présent que je me tenais si proche de lui, me rendant compte trop tard de mon impolitesse.

« Je veux dire... Erm...Tes ailes... Tes ailes sont magnifiques. »

Je me sentais rougir comme une tomate en reprenant mes doigts presque égarés sur lui. Ma nageoire avait disparu pour faire place à mes jambes humaines, si bien que seuls mes pieds étaient encore émergés dans l'eau.

« Ça te dérangerait de me filer mes affaires ? Elles sont planquées derrière le rocher, là-bas. »

Toujours aussi rouge de gêne, je lui offrais un sourire en désignant du doigt la roche en question, à moins de deux mètres de là où nous étions. Non pas qu'être totalement nu devant lui me dérange le moins du monde, mais le vent contre mes jambes, lui, avait tendance à légèrement me refroidir.

La sirène apparaît soudain beaucoup plus proche du rivage. Je ne le lâche plus alors que ma vue d’une précision surnaturelle s’applique à le détailler. Ses cheveux bruns sont trempés sur son front, surmontant un regard d’un bleu océanique. Quelque chose de particulier y brille. Quelque chose qui rend la couleur de ses prunelles plus chaude qu’elle ne le devrait. Comme un ciel d’été. Ça ressemble à des étincelles de malice, ou, peut-être, à une perpétuelle joie de vivre. Sa peau, elle, ruisselle d’eau de mer. Et sur ses lèvres, flotte l’ombre d’un sourire sincère. Malgré toute la bienveillance qu'il émane, il a l’air nerveux. Ce constat est confirmé par le geste involontaire qu’il a pour sa nuque. Enfin sa voix s’élève réellement jusqu’à mes oreilles. Mon souffle s’emmêle quelque peu dans mon torse, sans que je n’aie la moindre idée d’où cela peut bien venir. Mes yeux suivent les siens alors qu’il avise les corps sans vie que j’ai laissé dans mon sillage. Oh. Evidemment. J’ouvre la bouche en tournant de nouveau la tête dans sa direction, mais la sirène a déjà repris la parole, coupant court à mon élan. Mes yeux s’écarquillent légèrement en l’entendant parler, encore et encore. Il rit bientôt, et je me demande s’il compte s’arrêter un jour. Les questions s’enchaînent, interrogations auxquelles il trouve le moyen de répondre tout seul sous mon attention médusée. Une note piquante s’éveille en moi lorsqu’il évoque ma race. J’ai toujours cru que les harpies étaient toutes des femmes. Mes sourcils se froncent légèrement. N’a-t-il donc jamais entendu parler de mon peuple ? Sa réputation n’a-t-elle donc jamais dépassé les frontières de nos territoires ? Bien sûr que les hommes harpies existent. Seulement, ils quittent nos terres plus rarement encore que leurs homologues féminins. Ce n’est pas comme s’ils le pouvaient réellement, puisqu’on leur coupe les ailes dès leur plus jeune âge. Je n’ai cependant pas le temps d’expliquer quoi que ce soit, ni même d’éviter le sujet. Le brun aux yeux d’été s’arrête alors sur ce qui fait de moi un esclave hors norme. Les longues plumes ébènes qui frémissent dans mon dos. Sa voix me trouble tout autant que l’intensité de ses iris posées sur cette partie de mon être. Le sens de ses mots me tend. J’intercepte son geste alors qu’il s’approche. Mon organe vital s’agite soudainement contre ma poitrine lorsqu’il tend la main devant lui. Mes ailes s’agitent et j’ai un bref mouvement de recul. Il ne va quand même pas ... Il ne va quand même pas essayer de les toucher ? Un instinct d’alerte hurle dans mes veines alors que mon esprit demeure incapable de prendre une décision claire. Je n’ai pas la moindre idée de comment je pourrais réagir s’il fait un pas de plus avec cette main tendue. Mais finalement la sirène semble prendre conscience de son comportement. Ses doigts retournent du côté de sa cuisse, que je découvre désormais sans écaille et totalement dénudée. Ce qui ne semble absolument pas le déranger. La créature apeurée tout à l’heure apparaît désormais particulièrement à l’aise. Trop, pour ne pas me plonger un peu plus dans une confusion étrange.

- Je ... Merci ...

Du moins, je suppose. C'est peut-être bien la première fois qu'on me complimente de la sorte. Sa demande se présente finalement comme une échappatoire idéale. Ma tête se tourne dans la direction qu’il indique, et je n’ai pas vraiment l’opportunité d’y réfléchir que mes jambes se sont déjà actionnées pour rejoindre le fameux rocher. Mes ailes se replient et se rangent sagement entre mes omoplates pour mieux disparaître. C’est beaucoup mieux ainsi. Moins encombrant et ... plus sécuritaire. Je découvre un jeans et un tshirt roulé en boule derrière le fameux tas de caillasses. Je lui balance le tout avant de revenir aux abords de l’eau. Ma langue humecte mes lèvres. La sirène semble enfin à court de choses à raconter.

- Tu devrais faire plus attention, je lâche enfin en soupirant à moitié.

Parler libère mes épaules de l’étrange tension qui s’y était accumulée sans que je ne m’en rende compte. Mes yeux retournent à sa rencontre, empreints d’une sincérité grave.

- Ils ont sans doute eu des dizaines d'occasions pour te prendre par surprise.

Je désigne vaguement les cadavres faces contre terre. Il n’aurait pas eu la moindre chance de s’en sortir si je n’étais pas intervenu. Ces hommes savent ce qu’ils font. Ils savent comment procéder. Il n’aurait pas pu se débarrasser du filet avant qu’ils ne lui tombent dessus. J’ignore ce qu’ils lui auraient fait exactement, mais il a raison ; son sort aurait été définitivement réglé si personne n’était apparu pour l’aider. Mon regard finit par se faire moins sérieux, pour mieux prendre un éclat plus intrigué. Peut-être même émerveillé.

- C’est la première fois que je vois une sirène d’aussi près.

Et il n’a pas l’air si différent que le commun des mortels. Hormis l’attraction chaleureuse qu’il déploie naturellement autour de lui, il pourrait sans doute se fondre sans difficulté dans la masse. Il n’y a plus une seule trace de ses écailles. Pas un seul indice laissant penser qu’il est moitié homme, moitié poisson.

- Est-ce que tu vis non loin d’ici ?

Mon regard le quitte pour fouiller de nouveau les environs. Je n’ai aperçu aucune autre créature de son espèce lors de mes précédents passages par ici. Néanmoins, il me semble que les sirènes ont construit une cité sous les flots. Peut-être est-ce juste à côté. Juste là. Non loin du rivage. Si ce n’est pas le cas, alors il ferait mieux de se trouver une autre crique. Celle-ci a de toute évidence attiré l’attention des Sauveurs. Et à l'avenir, il n’y aura pas toujours quelqu’un pour venir l’épauler.

J'ai l'impression de reprendre mon souffle lorsqu'il accepte de m'aider et se détourne de moi. Enfin, l'air rentre à nouveau dans mes poumons. Mon regard s'égard sur lui, le long de la courbure de son dos. Il est taillé comme un soldat sirène, même si il ne porte pas du tout le même type d'armure. Ses muscles ressortent à travers le tissu de son vêtement. Mes iris détaillent encore ses sublimes ailes avant qu'elles se ne rétractent et finisse par disparaitre au creux de ses omoplates. J'en reste bouche bée. Comme ça, il aurait presque l'air d'un gars normal. Si on oubliait ses vêtements et son arme à la ceinture, évidemment. Je referme la bouche en réceptionnant mes vêtements qu'il m'envoie presque en pleine tête. J'enfile mon t-shirt à la hâte, puis fini par mon jean. Tant pis pour mon boxer, il a déjà disparu dans les flots. Ce n'est qu'une fois habillé que je lui fais à nouveau face, un grand sourire aux lèvres, qui disparait presque aussi vite qu'il est apparu sous les reproches de la harpie. Je baisse les yeux, honteux et ne sachant que dire. Je sais qu'il a raison. Je sais que je ne fais pas assez attention tout comme je suis parfaitement conscient du simple fait que je n'aurais jamais pu m'en sortir vivant sans lui. Je n'ose rien dire. Même pas ouvrir la bouche, même lorsqu'il me désigne les cadavres à ses pieds. Je suis incapable de les regarder plus longtemps, enserrant brusquement mes bras de mes paumes en les croisant sur mon torse. Je sais. Je sais qu'il a raison, même si je l'ai toujours refusé. Je n'ai jamais voulu accepter ça. Me priver de ma liberté à cause de ses terroristes. Et à cause de ma bêtise, j'avais failli mourir.

Je déglutissais une énième fois, sans réussir à le regarder à nouveau lorsqu'il sembla s'adoucir. Je fini par relever la tête, découvrant son regard inquisiteur. C'est une première pour l'un autant que pour l'autre, dans ce cas.

« Et alors, qu'est-ce que tu en penses ? »

J'ouvrais à nouveau les bras, le regard pétillant, armé d'un large sourire en reprenant mon entrain d'antan, oubliant d'un coup complètement ses reproches à mon égard.

« Je vis en ville, dans le centre. Mais je viens ici presque tous les jours. J'aime énormément cet endroit. Presque personne n'y viens, ça me permet de respirer un peu loin de l'agitation de la ville. »

Je glissais mes mains dans mes poches après avoir remit mes cheveux en arrière, gardant mon sourire sur mes joues.

« Comment puis-je te remercier ? Tu... Je peux t'offrir un verre ? Je n'ai pas grand chose d'autre à t'offrir.... »

Je mordillais ma lèvre dans un réflexe incontrôlable, ne décrochant plus de son visage. Il fallait bien que je le remercie comme il se devait non ? Et quoi de mieux qu'une bonne bière pour ça ?

« Je connais un endroit sympa. Si ça te tente... »

Je scrute les réactions de la sirène alors que je lui distille mes conseils. Le geste qu’il a pour refermer ses bras autour de lui dans un reflexe protecteur retient mon attention. Le contact de la violence et la proximité de la mort le dérangent. Plus encore, ça semble lui être complètement intolérable. Quelque chose me souffle qu’il serait vain d’insister sur ce chemin-là. Il finit néanmoins par se sortir de son étrange torpeur, tout aussi vite qu’il ne s’y est enfoncé. Ma remarque sur sa nature pique son intérêt. Ses traits tirés disparaissent spontanément, comme chassés par la brise marine. Il relève des yeux étincelants vers moi, gorgés d’un entrain qui me prend de court à nouveau. Un sourire aussi lumineux que l’astre diurne éclate sur ses lèvres. Et je le regarde alors, hébété, me demander ce que j’en pense. Ce que j’en pense. Il va même jusqu’à ouvrir les bras pour mieux se pavaner, arborant encore ce comportement qui me plonge en pleine confusion. Ma bouche s’ouvre mais je mets quelques instants avant de trouver ce qu’il convient de répondre.

- Que ... c’est pour le moins surprenant.

Je cligne des yeux comme pour chasser une sensation de tournis et l’observe sans pudeur de haut en bas. Toutes les sirènes sont-elles comme ça ? Aussi enjouées et ... changeantes dans leurs émotions ? Mais la suite de ses explications chasse mes questions. La crique n’est pas liée à sa demeure. Je ne peux pas m’empêcher de rebondir sur le sujet, mu d’une honnêteté anxieuse.

- Alors tu aurais tout intérêt à trouver une autre plage, j’ajoute d’une voix complaisante. Une plage moins risquée.

Je n’ai pas la présomption de croire qu’il m’écoutera juste parce que je l’ai arraché d’un sort funeste. Il semble attaché à cet endroit et, pire encore, donne l’impression d’ignorer volontairement le danger pour s’estimer en sécurité. Une façade aveugle et sans aucun doute risquée. Je ne compte pas insister sur le sujet. Ce n’est, de toute manière, pas comme s’il était décidé à m’en laisser l’occasion. Sa proposition me surprend, presque tout autant que ses motivations. Mes iris se focalisent un instant sur la lèvre qu’il torture nerveusement entre ses dents. A nouveau, mon palpitant s’emballe sans raison contre mon torse. Son comportement est-il si rocambolesque que ça pour me désorienter à ce point ?

- M’offrir un verre, je répète, incertain, comme s’il s’agissait là de l’idée la plus déconcertante de l’univers.

Mes sourcils se froncent alors que je me tourne vers la forêt et l’intérieur des terres. Mais aucune réponse ne me vient. Il n’y a rien de plus que la flore irlandaise et le ciel désertique. Pas de trace non plus du rapace de ma reine.

- Tu n’as pas besoin de me remercier, je souffle dans le vent.

Je déglutis, tendu malgré moi. Mon cœur balance. Est-ce vraiment une bonne idée ? On m’attend probablement ailleurs. Mon attention retourne du côté de ses prunelles pétillantes d’allégresse. Ma raison s’effondre à ce moment-là. Juste une fois. Ce n’est pas si grave après tout.

- Je ... D’accord, je lâche alors sans être certain de ce pour quoi je viens de signer. Allons-y ... Je te suis.

Mes mots s'envolent avec mon anxiété. Allez boire un verre n’est déjà pas quelque chose que je fais d’ordinaire. Mais aller boire un verre dans la citée humaine, ça, c’est complètement hors du commun.